Apnée de Sophie Torresi, théâtre, création collective

La maladie chronique,
une expérience du temps

La maladie chronique fonde une expérience à laquelle on ne peut se soustraire et qui en cela s’apparente à un destin.Ce temps long, qui est aussi le plan large du récit, est brutalement interrompu par cette annonce de greffe, qui fait véritablement événement.

La structure narrative fragmentaire, composée de matériaux textuels hétérogènes, traduit cette double temporalité, et souligne le statut changeant de la parole.

Des séquences monologuées retracent cette annonce soudaine, au téléphone. Saisi d’effroi, le cerveau noyé (comme on le dit d’un moteur) développe paradoxalement une forme de clairvoyance.  En prise dans le même mouvement à la difficulté de contenir son angoisse et à une forme de suractivité mentale, la mère prend peu à peu conscience des enjeux de la relation thérapeutique hospitalière, bien plus complexes qu’elle ne le croyait. Enfermée dans un dialogue de sourds qui finit par impliquer l’institution dans son ensemble, elle mesure que ce qui se trouve nié ici est le libre arbitre du patient, pourtant inscrit dans la loi.

Alternent de courtes chroniques qui convoquent souvenirs, réflexions personnelles ou petites histoires. La mère y relate son histoire de la maladie de son fils, une histoire au long cours qui dure depuis presque quinze ans. Elle tire les fils de la maternité, de la peur, du désir, du temps compté. La maladie opérant comme une loupe, elle observe ce que cette dernière modifie ou déplace dans la vie, la manière dont elle influe sur sa perception du monde, sur sa personnalité.

Enfin, des scènes dialoguées restituent une réunion à l’hôpital rassemblant une équipe médicale (médecin, chef de service), des parents et un médiateur. Cette réunion dont l’objectif est de résoudre un conflit et de sortir d’une impasse se révèle être le lieu de l’incompréhension et de la confusion. Deux mondes se font face, qui ne parviennent pas à s’entendre.

Cette diffraction de l’écriture cherche à rendre compte de la complexité de la pensée et à témoigner de la maladie chronique comme d’une expérience du temps.  Le présent et le passé coexistent en permanence, de même que le tragique est toujours logé au cœur du quotidien.