Apnée de Sophie Torresi, théâtre, création collective
L’hôpital est-il au service des patients ou inversement ? A qui appartient la maladie ? Qui a raison ? Qui a tort ? Qui décide ? Que faut-il dire ? Qu’a-t-on le droit de ne pas dire ?
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Engagée depuis des années dans l’accompagnement de son fils malade, la mère se considère comme une interlocutrice légitime de l’équipe médicale. Or la maladresse du médecin qui ne mesure pas les impacts de cette annonce, par téléphone, de greffe, la brutalité d’une décision à laquelle elle n’a pas été associée, et l’incapacité de l’équipe à engager le dialogue témoignent brutalement du contraire.
Alors bien sûr, nul ne conteste que l’objectif du médecin soit de diagnostiquer, puis si possible de soigner. Mais ce qui frappe brutalement la mère, c’est le statut du patient. Ce dernier n’est pas un sujet, c’est un cas, voire un terrain de recherche, un objectif. La relation thérapeutique repose sur un ordre induit : le médecin qui sait, et le patient qui ne sait pas et doit s’en remettre au médecin. De sorte que la parole ne relève pas de l’échange, tout au plus le patient peut-il demander des précisions ou poser des questions techniques.
Sujet vs objet, parole vs chiffres, malade vs maladie, elle perçoit que les enjeux de cette relation particulière peuvent être divergents pour le patient, pour le médecin, et enfin pour l’institution.
Il s’agit de partager une expérience singulière autant qu’une prise de conscience politique, celle-ci procédant directement de celle-là. Témoigner d’un quotidien marqué par la tension constante entre une vigilance de tous les instants et la nécessité de vivre le plus normalement possible. Et tenter de démêler l’écheveau complexe de la relation thérapeutique, en particulier à l’endroit du statut du patient, la situation mettant fortement en tension le pouvoir médical d’une part et le consentement en matière de soin d’autre part.